L’étrange ingrédient de la comète interstellaire Borissov donne un indice sur ses origines
Selon deux études publiées cette semaine, la comète interstellaire 2I/Borissov contient une quantité abondante de monoxyde de carbone et il est probable qu’elle se soit formée dans une région froide de son système planétaire d’origine, loin de son étoile d’origine.
La première étude a été dirigée par Martin Cordiner du Goddard Space Flight Centre de la NASA et la seconde par Dennis Bodewits de l’université d’Auburn aux États-Unis.
Image d’entête : un time-lapse des observations de la comète 2I/Borisov faites par le télescope spatial Hubble, sur une période de 7 heures. La comète se déplace à une vitesse fulgurante de 180 000 km/h. (NASA/ ESA/ J. DePasquale (STScI))
La comète 2I/Borissov a été identifiée pour la première fois en août 2019 et elle est le deuxième visiteur interstellaire à être signalé dans notre système planétaire. Le premier était « Oumuamua », dont on a appris la semaine dernière quelle devait être le résidu d’une planète déchiquetée.
La trajectoire de la comète interstellaire 2I/Borissov.
Les premières observations suggèrent que Borissov a une composition similaire à la grande majorité des comètes qui existent dans notre système solaire, mais de nouvelles observations du télescope spatial Hubble (HST) et du réseau Atacama Large Millimetre/submillimetre Array (ALMA) suggèrent le contraire.
Ces nouvelles observations ont été réalisées entre décembre et janvier, lorsque la comète se trouvait à une distance d’environ 2 unités astronomiques du Soleil (environ 300 millions de kilomètres), juste à l’extérieur de l’orbite de Mars.
Elles révèlent, selon les chercheurs, que Borissov a une grande abondance de monoxyde de carbone (CO) dans son coma ou queue, un nuage de gaz qui se forme autour du noyau de la comète lorsqu’elle se rapproche du Soleil.
A gauche, la comète interstellaire 2l/Borisov. A droite : une image composite de la comète avec une photo de la Terre pour représenter l’échelle. (Pieter van Dokkum, Cheng-Han Hsieh, Shany Danieli, Gregory Laughlin)
L’eau est généralement la molécule la plus abondante trouvée dans le coma des comètes du système solaire. Cependant, les deux études indiquent que Borissov a plus de CO que prévu pour une comète trouvée à une distance similaire du Soleil, avec 0,7 à 1,7 fois plus de CO que d’eau.
Selon Cordiner :
C’est la première fois que nous regardons à l’intérieur d’une comète depuis l’extérieur de notre système solaire, et c’est radicalement différent de la plupart des autres comètes que nous avons vues auparavant.
Comme la comète est si riche en CO, les chercheurs suggèrent qu’elle provient d’une région très froide, loin de son étoile natale, où le CO pourrait être gelé sur le noyau de la comète.
Après l’éjection de Borissov de son environnement d’origine, disent-ils, les températures froides de l’espace interstellaire auraient préservé sa composition chimique pendant des millions, voire des milliards d’années, jusqu’à ce que la chaleur du Soleil finisse par provoquer la vaporisation de la glace.
Cordiner dit que son équipe ne peut que spéculer sur le type d’étoile qui a accueilli le système planétaire de 2I/Borisov, il précise ainsi :
La plupart des disques protoplanétaires observés avec ALMA sont autour de versions plus jeunes d’étoiles de faible masse comme le Soleil.
Bon nombre de ces disques s’étendent bien au-delà de la région où nos propres comètes se seraient formées et contiennent de grandes quantités de gaz et de poussières extrêmement froides. Il est possible que le 2I/Borisov provienne d’un de ces disques plus gros.
Les deux études publiées dans Nature Astronomy. La première dirigée par D. Bodewits de l’université Auburn : The carbon monoxide-rich interstellar comet 2I/Borisov et la seconde dirigée par M. A. Cordiner du Goddard Space Flight Center de la NASA : Unusually high CO abundance of the first active interstellar comet. Présentées sur le site de la NASA : Interstellar Comet Borisov Reveals Its Chemistry and Possible Origins.