Les mygales se sont très bien dispersées sur Terre grâce à la dérive des continents
Les mygales font partie des araignées les plus célèbres, en grande partie en raison de leur taille et de leur apparence. Avec leurs pattes velues, leurs grandes mâchoires et leurs couleurs vives, elles ont tendance à faire sensation chaque fois qu’elles apparaissent. Mais une chose intrigue les chercheurs à leur sujet : pourquoi sont-elles si répandues dans le monde ?
On trouve des mygales sur tous les continents (à l’exception de l’Antarctique), et elles sont dispersées dans de nombreuses régions du monde. C’est d’autant plus surprenant que les mygales n’aiment pas vraiment se déplacer.
Selon une équipe de recherche dirigée par la bioinformaticienne Saoirse Foley de l’université Carnegie Mellon (États-Unis) :
Elles sont assez répandues et on les trouve dans toutes les régions subtropicales de tous les continents.
Leurs comportements ne laissent pas présager que les mygales se seraient aussi bien dispersées, et pourtant elles se sont répandues dans le monde entier et elles ont colonisé des niches écologiques étonnamment différentes.
Les femelles et les jeunes sortent rarement, voire jamais, de leur terrier, et les mâles s’aventurent généralement uniquement pour chercher des partenaires. Alors comment se fait-il que cette espèce soit si répandue ?
Pour répondre à cette question, Foley et ses collègues ont suivi deux pistes différentes : les modèles de dispersion biogéographique des mygales à travers l’histoire, ainsi que leur histoire génétique (à partir des bases de données du transcriptome). Ils ont ensuite modélisé la façon dont les mygales ont pu se disperser au cours de leur évolution, en construisant l’arbre de l’évolution des mygales et en le confrontant aux preuves fossiles connues.
Ils ont découvert que les mygales sont probablement apparues il y a environ 120 millions d’années, au cours de la période du Crétacé, lorsque les tyrannosaures, les vélociraptors et d’autres dinosaures parcouraient la planète. Cela a conduit les chercheurs à une conclusion intéressante : la géologie a fait un gros travail de dispersion pour les mygales.
Selon les chercheurs :
De précédentes études estiment que les mygales sont apparues entre 150 Ma-71 Ma ou ~107 Ma, ce qui est compatible avec une origine gondwanienne. En effet, certaines mygales sont proposées comme étant des taxons nord-gondwaniens.
À l’époque, bon nombre des continents actuels du monde étaient regroupés dans un supercontinent appelé Gondwana, qui comprenait l’Antarctique, l’Amérique du Sud, l’Afrique, Madagascar et l’Australasie, ainsi que la péninsule arabique et le sous-continent indien. Cependant, certaines mygales semblent également s’être dispersées étonnamment bien.
(Wikimedia)
Certaines mygales d’Inde sont restées locales, mais d’autres se sont déplacées et diversifiées à travers l’Asie, divergeant alors que la plaque tectonique indienne était encore isolée et dérivant vers l’Asie. Ces deux lignées ont colonisé l’Asie à 20 millions d’années d’intervalle.
Toujours selon les chercheurs :
Nos résultats indiquent que ces deux lignées asiatiques ont divergé alors que la plaque indienne dérivait encore vers l’Asie… Il est intéressant de noter que les deux lignées semblent également être écologiquement divergentes.
Il existe actuellement environ 1 000 espèces de mygales, dont la taille varie de celle d’une pièce de monnaie à celle d’une assiette plate. Elles présentent une étonnante variété, et comme leur trace fossile est très rare, nous ignorons encore beaucoup de choses sur leur évolution et leur diversification, d’où l’importance de ce type d’étude.
A partir de l’étude, la double colonisation de l’Asie : Deux lignées indépendantes de mygales émergent de l’Inde. (A) Les premières thérophosides de la plaque indienne divergent en l’ancêtre des Selenocosmiinae et des Thrigmopoeinae (98 Ma) et en l’ancêtre des Ornithoctoninae et des Poecilotheriinae (99 Ma) ; (B) distributions actuelles des Selenocosmiinae. Ils sont entrés en Asie via l’Inde il y a 57 Ma et ont traversé la ligne Wallace quelque temps après 47 Ma. Certains Selenocosmiinae (par exemple, Haplocosmia nepalensis) peuvent également être trouvés sur le sous-continent indien aujourd’hui, où subsistent les Thrigmopoeinae ; (C) distributions actuelles des Ornithoctoniinae, qui ont pénétré en Asie via l’Inde 34,5 Ma mais n’ont pas réussi à franchir la ligne de Wallace. Pendant ce temps, les Poecilotheriinae restent sur le sous-continent indien. (Saoirse Foley et Col/ Zootaxa/ carte : dinosaurpictures.org)
En fin de compte, l’étude suggère que la géologie a donné un coup de pouce aux mygales pour se répandre à travers le monde, mais elle pourrait également amener les chercheurs à reconsidérer la capacité de dispersion et d’adaptation des mygales.
Selon Foley :
Auparavant, nous ne considérions pas les mygales comme de bons agents de dispersion. Si la dérive des continents a certainement joué un rôle dans leur histoire, les deux événements de colonisation asiatique nous incitent à reconsidérer ce récit. Les différences de microhabitats entre ces deux lignées suggèrent également que les mygales sont expertes dans l’exploitation des niches écologiques, tout en montrant simultanément des signes de conservation des niches.
L’étude publiée dans PeerJ : Phylogenomic analyses reveal a Gondwanan origin and repeated out of India colonizations into Asia by tarantulas (Araneae: Theraphosidae) et présentée sur le site de l’université Carnegie Mellon : Tarantula’s Ubiquity Traced Back to the Cretaceous.