Un nouveau quasi-cristal s’est formé lors du premier essai de bombe nucléaire au monde
Le 16 juillet 1945, l’armée américaine a procédé à la toute première détonation d’une bombe atomique sur le site de Trinity, au Nouveau-Mexique. Cet événement brutal a anéanti la tour d’essai de 30 mètres de haut, ainsi que les kilomètres de fils de cuivre reliés aux instruments de mesure et d’enregistrement. Ce qui est frappant, c’est que ces débris vaporisés ont fusionné avec du sable pour former un nouveau matériau vitreux connu sous le nom de “trinitite”, que les scientifiques ont récemment découvert sur le site, témoignant du pouvoir dévastateur des armes nucléaires sur la matière.
Image d’entête : l’échantillon de trinitite rouge contenant le quasi-cristal nouvellement découvert. (Luca Bindi et Paul J. Steinhardt)
Ci-dessous, vue aérienne du Ground Zero 28 heures après l’essai Trinity du 16 juillet 1945. L’explosion nucléaire a créé un quasi-cristal récemment découvert, issu de la fusion du sable environnant, de la tour d’essai et des lignes de transmission en cuivre. (Los Alamos National Laboratory)
La trinitite rouge (Si61Cu30Ca7Fe2) présente une symétrie de rotation quintuple, ce qui est impossible dans un cristal naturel. Pour cette raison, elle est classée parmi les quasi-cristaux, des matériaux exotiques qui ne suivent pas les règles de la cristallisation classique.
La plupart des cristaux sont composés d’un arrangement tridimensionnel d’atomes qui se répètent de manière ordonnée. En fonction de leur composition chimique, ils présentent différentes symétries. Par exemple, les atomes disposés en cubes répétitifs ont une symétrie quadruple. Les atomes disposés en triangles équilatéraux ont des symétries triples.
Les quasi-cristaux ont une structure atomique de leurs éléments constitutifs, mais le motif n’est pas périodique (il ne se répète jamais).
Ils sont remarquables pour deux raisons : premièrement, ils sont incroyablement rares dans la nature, et deuxièmement, ils sont incroyablement invraisemblables. En fait, lorsque l’existence des quasi-cristaux a été prédite pour la première fois, cela a coûté la carrière de Dan Shechtman, le chimiste israélien qui a été le premier à les découvrir et qui a perdu son emploi parce que tout le monde le prenait pour un fou.
Des décennies plus tard, le prix Nobel de chimie de 2011 lui a donné raison.
Aujourd’hui, des physiciens du laboratoire national de Los Alamos ont publié une nouvelle étude montrant comment le choc, la température et la pression extrêmes causés par une explosion nucléaire peuvent donner naissance à de nouveaux quasi-cristaux. Grâce à la microscopie électronique à balayage et à la diffraction des rayons X, les chercheurs ont révélé la structure atomique du quasi-cristal à 20 côtés et sa symétrie de rotation quintuple, qui était auparavant considérée comme impossible selon les normes conventionnelles.
Image au microscope électronique à balayage de l’échantillon contenant le quasi-cristal. (Luca Bindi et Paul J. Steinhardt)
Les scientifiques ne savent pas encore exactement comment la trinitite s’est formée étape par étape, mais il semble que le choc thermodynamique sous lequel ce quasi-cristal s’est formé soit comparable aux conditions qui ont conduit à la formation de quasi-cristaux naturels trouvés dans la météorite de Khatyrka, datant de centaines de millions d’années.
Selon Terry C. Wallace, directeur du Los Alamos National Laboratory et coauteur de l’étude :
Ce quasi-cristal est magnifique par sa complexité, mais personne ne peut encore nous dire pourquoi il s’est formé de cette manière. Mais un jour, un scientifique ou un ingénieur le découvrira et les écailles nous seront enlevées des yeux et nous aurons une explication thermodynamique de sa création. J’espère alors que nous pourrons utiliser ces connaissances pour mieux comprendre les explosions nucléaires et aboutir à une image plus complète de ce que représente un essai nucléaire.
Cette trinitite est effectivement le plus ancien quasi-cristal artificiel et pourrait un jour aider les scientifiques à mieux comprendre les explosions nucléaires illicites et à freiner la prolifération nucléaire.
L’étude publiée dans PNAS : Accidental synthesis of a previously unknown quasicrystal in the first atomic bomb test et présentée sur le site du Los Alamos National Laboratory : Discovery of new material could someday aid in nuclear nonproliferation.