Un ptérosaure récupéré par la police révèle le couvre-chef exceptionnel de cet oiseau disparu
Un fossile de ptérosaure extraordinairement bien conservé, que le paléontologue qui a passé 5 ans à en percer les secrets appelle affectueusement l’un des « joyaux de la couronne du musée des sciences géologiques de São Paolo », aurait pu être perdu pour la science sans une heureuse descente de police dans le port de São Paolo il y a 8 ans.
Image d’entête : une représentation artistique du Tupandactylus navigans. (Victor Beccari)
Le spécimen, dont l’anatomie a été dévoilée cette semaine pour la première fois dans une nouvelle étude (lien plus bas), a été découvert en 2013 parmi une foule de fossiles destinés à des ventes privées dans le monde entier, dans le cadre du tristement célèbre commerce illégal de fossiles au Brésil.
Au Brésil, les fossiles sont des biens fédéraux qui ne peuvent être ni échangés ni exportés, mais ils représentent également une source de revenus lucrative sur le marché noir. La vaste opération de police qui a permis de sauver le spécimen a donné lieu à des arrestations à São Paolo, Rio de Janeiro et Minas Gerais et à la saisie d’environ 1 000 fossiles destinés à des musées européens.
Cette situation fut particulièrement bénéfique pour Victor Beccari, l’auteur principal de l’étude, de l’université de São Paolo, au Brésil. Beccari et son équipe ont fait un certain nombre de découvertes importantes sur ce mystérieux ptérosaure, le Tupandactylus navigans. En effet, bien que les ptérosaures soient généralement connus pour leur capacité à voler grâce à des ailes prodigieusement grandes, ils ont découvert que le T. navigans avait probablement un mode de vie terrestre, axé sur la recherche de nourriture.
Selon Beccari :
Nous pensons généralement que les ptérosaures doivent être de bons voleurs, mais cet animal possède une crête crânienne de plus de 40 centimètres de haut, avec une envergure de seulement deux mètres et demi et un très long cou.
De gauche à droite, Photo du spécimen fossilisé, modèle 3D et montage squelettique de tous les éléments osseux récupérés avec la segmentation de l’image du spécimen. (Victor Beccari et col/ PLOS ONE)
Cela signifie que le T. navigans aurait probablement trouvé impossible de voler sur de longues distances, en raison de sa charge anormalement lourde. Beccari compare la créature au paon :
Le paon peut voler, il fuit les prédateurs, mais ce n’est pas un très bon aviateur. Il ne peut pas aller d’un pays à l’autre ou utiliser le vol pour acquérir de la nourriture.
L’équipe a également constaté que le squelette avait de très longues pattes, ce qui suggère que cette créature passait de longues heures au sol à chercher de la nourriture.
Le fossile est le premier squelette complet de ce type : les précédents spécimens de la créature se résumaient à deux crânes, dépourvus de mâchoires inférieures, conservés en Allemagne.
Toujours selon Beccari :
Nous ne savons pas comment ils sont arrivés en Allemagne, mais probablement par le biais de ce commerce illégal.
Selon lui, le commerce illégal de fossiles et de minéraux qui aurait pu faire disparaître complètement le T. navigans du Brésil est un problème très important pour les paléontologues du pays :
Malheureusement, ces choses arrivent parce que nous avons des endroits où les fossiles sont très abondants et les salaires ne sont pas très bons.
Beccari explique que, dans la partie nord du Brésil, de nombreuses personnes sont confrontées à des rémunérations inférieures au salaire minimum, de sorte que les fossiles peuvent être leur meilleure chance de gagner un peu plus d’argent.
Le spécimen en question a été localisé dans une carrière du nord-est du Brésil, d’après le type de calcaire. Mais l’endroit exact du sol d’où la créature a été extraite reste un mystère en raison de son incertaine provenance.
Malgré les effets néfastes du commerce illégal de fossiles sur la science brésilienne, Beccari affirme que l’histoire mouvementée du spécimen s’est en fait révélée être une aubaine pour ses recherches : les trafiquants ont découpé le fossile en six plaques pour le transporter (ce que les scientifiques n’auraient jamais pu faire), ce qui leur a permis d’insérer chaque plaque dans un appareil de tomographie et d’étudier l’anatomie de la créature dans les moindres détails.
Cela signifie également qu’ils ont pu publier des modèles tridimensionnels de la créature, qui peuvent être consultés et étudiés par n’importe qui dans le monde.
La réussite de la descente de police est une victoire pour la paléontologie brésilienne, estime Mme Beccari.
Un fossile comme celui-ci se trouverait normalement dans une collection privée, donc inaccessible à la science, ou bien dans des institutions européennes, dit-il, de sorte que les Brésiliens n’y auraient pas accès, mais maintenant, nous y avons accès. C’est une façon de garder le patrimoine au Brésil.
L’étude publiée dans PLOS ONE : Osteology of an exceptionally well-preserved tapejarid skeleton from Brazil: Revealing the anatomy of a curious pterodactyloid clade.