Les abeilles vautour ont une dent pour la viande crue et les bactéries qui vont avec
Elles ne piquent peut-être pas, mais les abeilles vautours mangeuses de chair n’ont rien de tendre. De nombreux entomologistes vous diront que les abeilles sont s’abord des guêpes devenues végétariennes, mais un genre peu connu d’abeilles tropicales sans dard, les Trigona, a évolué pour avoir un goût particulier pour la chair crue. Elles possèdent même une dent spéciale pour mâcher la viande, ce qui leur vaut le nom charmant “d’abeilles vautours« .
Image d’entête : appâts de poulet cru attirant des abeilles vautours au Costa Rica. (Quinn McFrederick/ UCR)
Une nouvelle étude ‘lien plus bas) décrit également comment les abeilles vautours possèdent un microbiome carnivore adapté, comprenant des bactéries du levain, et qu’elles ramènent même les restes de viande à la maison.
Individu de la famille des abeilles sans dard Trigona, dont certaines mangent de la viande. (Ricardo Ayala)
Selon l’entomologiste Doug Yanega de l’université de Californie (UC), aux États-Unis, qui a participé à l’étude :
Ce sont les seules abeilles au monde qui ont évolué pour utiliser des sources de nourriture non produites par des plantes, ce qui constitue un changement assez remarquable dans les habitudes alimentaires.
Le concept selon lequel « nous sommes ce que nous mangeons » ne s’applique pas à la plupart des abeilles. Les abeilles domestiques, les bourdons et les abeilles sans dard ne possèdent que cinq microbes essentiels qui les aident à suivre leur régime végétarien.
Selon la coauteure de l’étude, Jessica Maccaro, de l’université de Californie :
Contrairement à l’humain, dont les intestins changent à chaque repas, la plupart des espèces d’abeilles ont conservé ces mêmes bactéries pendant environ 80 millions d’années d’évolution.
Cependant, il se trouve que les abeilles vautours mangeuses de chair préfèrent un bon poulet (cru). Les chercheurs se sont donc demandé si leur microbiome ressemblait davantage à celui d’autres carnivores ou omnivores que celui de leurs cousines végétariennes.
Pour répondre à cette question, ils se sont rendus au Costa Rica, où vivent les abeilles, et ont installé des appâts, des morceaux de poulet cru frais suspendus à des branches et enduits de vaseline pour éloigner les fourmis. Une fois l’appât en place, les abeilles vautours ont festoyé.
A partir de l’étude : Emplacements et plan de l’échantillonnage. Carte du Costa Rica et des stations de terrain où des stations d’appât ont été déployées. (B) Exemple d’une station d’appât avec des abeilles Trigona. (Laura L. Figueroa et col./ mBio)
Étonnamment, les chercheurs ont observé que les abeilles conservaient les restes dans de minuscules structures situées à l’arrière de leurs pattes, qui servent habituellement à recueillir le pollen.
Pour Quinn McFrederick, coauteur, de l’université de Californie :
Elles avaient des petits paniers à poules.
L’équipe a ensuite comparé les microbiomes des mangeurs de viande à ceux d’autres abeilles qui ne se nourrissaient que de pollen et elle a constaté que les abeilles vautours disposaient de microbiomes beaucoup plus poussés.
Toujours selon McFrederick :
Le microbiome des abeilles vautours est enrichi en bactéries acidophiles, qui sont de nouvelles bactéries que leurs congénères ne possèdent pas. Ces bactéries sont similaires à celles que l’on trouve chez les vautours, ainsi que chez les hyènes et d’autres charognards, probablement pour les protéger des agents pathogènes présents dans les charognes.
L’une de ces bactéries est le Lactobacillus, que l’on trouve dans de nombreux aliments humains fermentés comme le levain, et le Carnobacterium, qui digère la chair.
Pour Maccaro :
Pour moi, c’est fou qu’une abeille puisse manger des cadavres. Cela pourrait nous rendre malades à cause de tous les microbes présents sur la viande qui entrent en compétition les uns avec les autres et libèrent des toxines très mauvaises pour nous.
Mais leur étrange habitude alimentaire n’est pas la seule chose inhabituelle chez les vautours.
Selon Yanega :
Même si elles ne peuvent pas piquer, elles ne sont pas toutes sans défense, et de nombreuses espèces sont tout à fait déplaisantes. Elles vont des espèces véritablement inoffensives à celles qui mordent, en passant par quelques-unes qui produisent des sécrétions vésiculeuses dans leurs mâchoires, provoquant l’éruption de plaies douloureuses sur la peau.
Et pour ceux qui sont particulièrement aventureux, on fabrique encore du miel comestible, à partir de protéines de viande.
Elles stockent la viande dans des chambres spéciales qui sont scellées pendant deux semaines avant qu’elles n’y accèdent, et ces chambres sont séparées de celles où le miel est stocké.
L’équipe prévoit d’approfondir ses recherches sur les microbiomes des abeilles vautours, afin de savoir quels rôle ils jouent dans la santé des abeilles.
L’étude publiée dans mBio : Why Did the Bee Eat the Chicken? Symbiont Gain, Loss, and Retention in the Vulture Bee Microbiome et présentée sur le site de l’Université de Californie à Riverside : When bees get a taste for dead things.
Mais elles créent du miel à partir de la viande ? C’est pas clair cette histoire.