Comment les espèces adaptées au froid réagiront-elles au changement climatique ?
Le Guru revient sur quelques recherches publiées lors de sa pause de 12 jours pour son appel aux dons… qui n’est pas totalement clôturé (c’est par ici).
Alors que l’emblématique ours polaire est sur la corde raide et que le réchauffement climatique fait fondre son terrain de chasse, comment les autres mammifères de l’Arctique vont-ils s’en sortir ? La modélisation informatique nous permet de prédire comment les espèces ont réagi au changement climatique dans le passé, et quel est leur avenir.
Image d’entête : une ancienne illustration d’animaux arctiques, dont les mammifères modélisés dans cette étude : le carcajou, le renard arctique, le lemming, le renne et la zibeline. (Joseph Meyer/ Bibliographisches Institut, Leipzig, 1902)
Une nouvelle série de modèles a été mise au point pour prévoir les réactions des espèces adaptées au froid, notamment face au réchauffement climatique actuel. Auparavant, le modèle « expansion-contraction » était le seul utilisé en Europe pour étudier les réponses des espèces aux cycles glaciaires-interglaciaires. Cependant, ce modèle est plus adapté aux espèces tropicales et tempérées, et pas tellement aux espèces arctiques.
Selon l’auteur de l’étude, Joanna Stojak, de l’Académie polonaise des sciences (Pologne) :
Les espèces arctiques sont celles qui souffrent le plus du réchauffement climatique mondial et, sans aucun doute, l’homme est responsable de cette tendance. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais avec un peu de chance, nous pouvons encore empêcher la prochaine extinction massive. Et le meilleur départ est de comprendre comment le réchauffement climatique influence les taxons arctiques.
Pour réaliser ce nouveau modèle, l’histoire biogéographique des espèces de mammifères terrestres adaptés au froid a été décrite, permettant d’identifier les réponses aux cycles glaciaires et aux fluctuations climatiques. Ces recherches ont permis d’identifier trois nouveaux modèles de réponse :
- Extinction et diminution génétique
- Extinction et remplacement
- Contraction et transfert de gènes
Dans la réponse « extinction et diminution génétique », des populations précédemment répandues s’éteignent localement, les aires de répartition biogéographiques se réduisent et les populations restantes se caractérisent par une faible diversité génétique. C’est le cas du campagnol Lasiopodomys gregalis, du lemming Dicrostonyx et du lemming des toundras (Lemmus lemmus).
Lemming des toundras (Lemmus lemmus). (Argus fin/ Wikimedia)
Pour des espèces telles que le renard polaire (Vulpes lagopus), le carcajou (Gulo gulo) et le renne (Rangifer tarandus), leur réponse correspondait à un modèle « d’extinction et de remplacement », où certaines populations locales ont disparu, mais ont été remplacées par des lignées migrantes cherchant refuge ailleurs. En revanche, le lièvre variable (Lepus timidus) et la zibeline (Martes zibellina) ont été mieux modélisés par « contraction et transfert de gènes », où les aires de répartition biogéographiques de ces espèces se sont réduites, tandis que les espèces tempérées se sont étendues, entraînant un transfert de gènes entre les espèces arctiques et plus tempérées.
Renard Polaire. (Wikimedia)
Toujours selon Stojak :
Nous avons examiné de plus près les changements passés et actuels de la diversité génétique de différentes espèces adaptées au froid et la façon dont leurs aires de répartition évoluaient en même temps que le climat changeant. Il était très intéressant de constater que les différents taxons réagissaient différemment, mais que nous étions néanmoins en mesure d’identifier des modèles clairs et communs.
Ces modèles arrivent à un moment crucial pour comprendre les différentes façons dont les espèces adaptées au froid peuvent réagir au changement climatique induit par l’humain et contribueront à améliorer la prise de décision en matière de biodiversité et de conservation des habitats pour les espèces les plus menacées.
L’étude publiée dans Mammal Review : Extinction and replacement events shaped the historical biogeography of Arctic mammals in Europe: new models of species response.