Des astronomes obtiennent les meilleures images à ce jour des étoiles se déplaçant autour de notre trou noir
Au cœur de la Voie lactée, des étoiles suivent une trajectoire complexe.
Lié par le champ gravitationnel du trou noir supermassif du centre galactique, Sagittarius A*, un groupe d’étoiles connu sous le nom d’étoiles S (S-stars) décrit des orbites bizarres qui durent des années. Ces orbites ont récemment été étudiées pour connaître la position de Sgr A*, un résultat qui a valu aux scientifiques concernés le prix Nobel de physique.
Image d’entête : petits amas d’étoiles (étoiles S) en orbite très proche du trou noir supermassif au centre de notre galaxie. (ESO/ GRAVITY Collaboration)
Mais le travail n’est pas terminé pour autant. Récemment, une équipe de chercheurs dirigée par l’un d’entre eux, Reinhard Genzel, de l’Institut Max Planck de physique extraterrestre en Allemagne, a dévoilé les fruits de son dernier coup d’œil dans les abysses.
Ces nouvelles images sont si profondes que l’équipe a identifié une toute nouvelle étoile S, baptisée S300, et a affiné les estimations de la distribution de la masse dans le centre galactique.
Selon Genzel :
Nous voulons en savoir plus sur le trou noir au centre de la Voie lactée, Sagittarius A*.
Quelle est sa masse exacte ? Tourne-t-il ? Les étoiles qui l’entourent se comportent-elles exactement comme nous l’attendons de la théorie générale de la relativité d’Einstein ? La meilleure façon de répondre à ces questions est de suivre les étoiles sur des orbites proches du trou noir supermassif. Et nous démontrons ici que nous pouvons le faire avec une précision jamais atteinte auparavant.
Séquence animée des images du VLTI des étoiles autour du trou noir central de la Voie lactée. (ESO)
Les trous noirs, même les mastodontes supermassifs comme Sgr A*, ne sont pas directement visibles pour nous, même lorsqu’ils sont actifs.
Le trou noir lui-même est masqué au-delà de l’horizon des événements (Event horizon dans l’image ci-dessous), la distance à laquelle même la vitesse la plus rapide de l’Univers, celle de la lumière dans le vide, est insuffisante pour atteindre la vitesse de fuite du champ gravitationnel immensément puissant.
Ci-dessous les différentes “structures” d’un trou noir supermassif (Jet relativiste, horizon des évènements, disque d’accrétion, singularité). (NASA)
Cela signifie qu’aucun rayonnement que nous pouvons actuellement détecter n’émerge, ce qui signifie, essentiellement, que le trou noir est invisible. Mais les objets orbitant à l’extérieur de l’horizon des événements ne révèlent pas seulement la présence du trou noir, ils peuvent aider à mesurer ses caractéristiques.
Pour cela, il est utile de disposer des mesures les plus précises que l’on puisse raisonnablement obtenir. C’est l’une des choses sur lesquelles travaille la collaboration GRAVITY. À l’aide de l’instrument GRAVITY du Very Large Telescope Interferometer (VLTI), ils ont scruté le centre galactique pour mesurer les mouvements des étoiles S autour de Sgr A*.
Selon Genzel :
Suivre les étoiles sur des orbites rapprochées autour de Sagittarius A* nous permet de sonder avec précision le champ gravitationnel autour du trou noir massif le plus proche de la Terre, de tester la relativité générale et de déterminer les propriétés du trou noir.
Ces observations ont été réalisées entre mars et juillet 2021, en observant un certain nombre d’étoiles alors qu’elles atteignaient le Périmélasme, le point le plus proche de leur longue orbite elliptique autour du trou noir.
Séquence d’images présentant les mouvements des étoiles autour de Sagittarius A* entre mars et juillet 2021. (ESO/ GRAVITY Collaboration)
Parmi elles, l’étoile S29, qui s’est approchée à moins de 13 milliards d’unités astronomiques de Sgr*, atteignant des vitesses de plus de 8 740 kilomètres par seconde (et ce n’est même pas la plus proche ou la plus rapide des étoiles S).
L’équipe a combiné les observations effectuées par GRAVITY avec celles de deux anciens instruments VLTI, ainsi qu’avec celles des observatoires Keck et Gemini aux États-Unis pour une période plus longue, puis a utilisé une technique d’apprentissage automatique appelée théorie des champs d’information (Information Field Theory) afin accroître la précision des données de GRAVITY. Cela consistait à générer un modèle de l’étoile S, à simuler la façon dont elle apparaîtrait à GRAVITY, puis à comparer leurs résultats aux observations réelles.
C’est ainsi qu’ils ont trouvé S300, et ils ont également obtenu l’estimation la plus précise à ce jour de la masse de Sgr A*. D’après leurs calculs, le trou noir supermassif de la Voie lactée a une masse égale à 4,3 millions de fois celle du Soleil, avec une incertitude de 0,25 %. C’est un peu plus que la précédente estimation de la collaboration, qui était de 4,154 millions de fois la masse du Soleil, avec une incertitude de 0,27 %.
L’année prochaine, en 2022, plusieurs étoiles S atteindront le périmélasme, ce qui permettra d’étudier et d’affiner les mesures du centre galactique.
Les recherches de l’équipe publiées dans deux études dans Astronomy & Astrophysics :
- Mass distribution in the Galactic Center based on interferometric astrometry of multiple stellar orbits
- Deep images of the Galactic center with GRAVITY
…et présentée sur le site de l’Observatoire européen austral : Regardez les étoiles se déplacer autour du trou noir supermassif de la Voie Lactée avec les images les plus résolues à ce jour.