Des scientifiques créent une levure à 50% synthétique après un développement intensif de son génome
Un consortium mondial de scientifiques a réussi à combiner 7,5 chromosomes synthétiques dans une seule cellule de levure qui est synthétique à plus de 50 % et qui se reproduit de la même manière que la levure sauvage. La réécriture du génome d’une levure à partir de la base pourrait permettre de créer une souche plus rapide, plus tolérante aux conditions difficiles et plus productives.
Image d’entête : cellules de levure avec un génome partiellement synthétique, vues au microscope électronique. (Zhao et col./ Cell)
Les travaux sont présentés dans un ensemble de 8 études publiées cette semaine (liens plus bas), détaillant l’effort monumental de synthèse et de correction de l’ensemble des 16 chromosomes de la levure.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un projet de 15 ans appelé Synthetic Yeast Genome Project (Sc2.0). Des équipes du monde entier (Royaume-Uni, États-Unis, Chine, Singapour, Royaume-Uni, France et Australie) collaborent pour mettre au point le premier génome synthétique d’eucaryote à partir de zéro. Les eucaryotes sont des organismes dont les cellules possèdent un noyau. Ils comprennent tous les animaux, les plantes, les champignons et les organismes unicellulaires comme la levure.
L’étape finale du projet, qui consiste à combiner les 16 chromosomes pour obtenir le plus grand génome synthétique jamais réalisé, devrait être achevée l’année prochaine. Ce génome synthétique a été conçu et construit artificiellement par des scientifiques pour remplir de nouvelles fonctions ou des fonctions qui n’existent pas dans la nature.
Des génomes bactériens et viraux ont déjà été synthétisés à partir de zéro, mais les cellules eucaryotes, celles des plantes, des animaux et des champignons, sont beaucoup plus complexes, car elles contiennent plusieurs chromosomes, de longues molécules d’ADN qui contiennent toutes les informations génétiques d’un organisme.
Selon le professeur Patrick Cai, titulaire de la chaire de génomique synthétique de l’université de Manchester (Royaume-Uni) et coordinateur international du projet Sc2.0 :
Il s’agit d’une étape passionnante dans le domaine de l’ingénierie biologique. Si nous sommes capables de modifier des gènes depuis un certain temps, nous n’avons encore jamais pu écrire un génome d’eucaryote à partir de zéro. Ce travail est fondamental pour notre compréhension des éléments constitutifs de la vie et a le potentiel de révolutionner la biologie synthétique.
Le génome de la levure synthétique est très différent du génome naturel de Saccharomyces cerevisiae (levure de bière ou de boulangerie) sur lequel il est basé.
Selon le Dr Jef Boeke, biologiste de synthèse à l’université de New York Langone Health (États-Unis) et responsable du Sc2.0 :
Nous avons décidé qu’il était important de produire quelque chose de très fortement modifié par rapport au modèle naturel. Notre objectif principal était de créer une levure capable de nous enseigner une nouvelle biologie.
Par exemple, les chercheurs ont éliminé des chromosomes, des morceaux d’ADN non codant et des éléments répétitifs qui pourraient être considérés comme des « déchets ». Pour accroître la stabilité du génome, ils ont également supprimé de nombreux gènes codant pour l’ARN de transfert (ARNt), une petite molécule d’ARN qui joue un rôle essentiel dans la synthèse des protéines, et les ont déplacés vers un « néochromosome » composé uniquement de gènes d’ARNt. Un tel chromosome est entièrement nouveau et n’existe pas dans la nature.
Ils ont également introduit un générateur de diversité génétique intégré appelé « SCRaMbLE » qui oblige les cellules à mélanger l’ordre des gènes à l’intérieur des chromosomes et entre eux. Il en résulte des millions de versions différentes des cellules, chacune avec des caractéristiques différentes. Les cellules individuelles présentant des propriétés améliorées peuvent ensuite être sélectionnées pour un large éventail d’applications.
La levure est généralement connue pour son utilisation dans la fabrication du pain et de la bière, mais elle trouve également des applications dans les processus biotechnologiques industriels, et souvent dans la production de biocarburants, de produits pharmaceutiques, d’arômes et de parfums.
Selon Boeke :
Nous ne sommes plus qu’à quelques encablures de la ligne d’arrivée qui consiste à avoir les 16 chromosomes dans une seule cellule. J’aime appeler cela la fin du commencement, et non le début de la fin, car c’est à ce moment-là que nous pourrons vraiment commencer à mélanger les cartes et à produire des levures capables de faire des choses que nous n’avons jamais vues auparavant.
Les études publiées dans Cell :
… et dans Cell Genomics :