Les baleines à bosse disposent d’un larynx spécifique pour chanter sous l’eau
Les cétacés à fanons (ou mysticètes), les créatures les plus grandes et les plus majestueuses de l’océan, nous captivent depuis longtemps avec leurs obsédantes mélodies sous-marines. Pourtant, les mécanismes exacts qui produisent ces sons se répercutant dans les profondeurs de l’océan restaient, jusqu’à présent, une énigme. Une nouvelle étude a dévoilé un nouvel aspect de la vocalisation des baleines, montrant que ces géants utilisent un larynx spécialisé, ou boîte vocale, pour communiquer sous l’eau.
Image d’entête : un plongeur en apnée descend entre trois jeunes baleines à bosse de la taille d’un autobus. (Karim Iliya/ Université du Danemark du Sud)
Pendant des années, nous avons cru que les baleines produisaient des sons de la même manière que les humains, en faisant passer de l’air dans des cordes vocales. Cependant, une étude récente publiée par une équipe de chercheurs dirigée par le professeur Coen Elemans de l’Université du Danemark du Sud a révélé un mécanisme unique chez les baleines à fanons. Contrairement à toute autre méthode connue, ces géants marins produisent des sons en poussant l’air entre un pli de tissu et un coussin graisseux dans leur larynx, ce qui provoque des vibrations à l’origine de leurs chants.
Un baleineau à bosse regarde le photographe en jouant dans les eaux chaudes et protégées de Moorea. Une fois que les baleineaux sont suffisamment forts, ils entreprennent avec leur mère le long voyage de retour vers les zones d’alimentation de l’Antarctique. (Karim Iliya/ Université du Danemark du Sud)
Les premiers marins attribuaient les sons des baleines à des fantômes ou à des créatures mythiques. Aujourd’hui, nous en savons plus, en partie grâce à l’avènement des hydrophones. Il s’agit de microphones sous-marins capables de capter ces sons, révélant ainsi leur véritable origine. Ces appareils, initialement développés pour la détection des icebergs et à des fins militaires, ont involontairement fourni aux biologistes marins pléthore de chants de baleines, dévoilant un monde de l’acoustique sous-marine jusqu’alors entouré de mystère.
Elemans et ses collègues ont étudié les larynx de trois baleines à fanons échouées. Grâce à un scanner et à une modélisation avancés, ils ont découvert que les baleines à fanons utilisent une structure en forme de U dans leur larynx, semblable à des cordes vocales, qui a été modifiée au cours de millions d’années d’évolution.
Peinture de baleine à bosse indiquant les cartilages du larynx. (Patricia Jaqueline Matic/ Université du Danemark du Sud)
Comme toutes les baleines, les baleines à fanons sont issues d’un ancêtre qui est passé de la terre à la mer (où les ancêtres des animaux terrestres ont d’abord évolué). Lorsque ces ancêtres baleines ont migré vers la mer, leurs plis vocaux ont empêché la respiration très rapide qu’une baleine doit effectuer lorsqu’elle prend de l’oxygène à la surface de l’eau.
Alors que les cétacés à dents (ou odontocètes) ont développé un organe vocal nasal pour produire leurs chants caractéristiques, les cétacés à fanons, y compris les espèces telles que le rorqual boréal, la baleine de Minke et la baleine à bosse, s’appuient sur leur larynx à la configuration unique. Ces structures spécialisées leur permettent d’émettre des sons, de recycler l’air et d’empêcher l’inhalation d’eau simultanément.
L’importance de cette découverte va au-delà de la simple mécanique du son. Il semble que les baleines à fanons soient équipées pour communiquer sur de très grandes distances. Cependant, elles sont limitées à une gamme de fréquences spécifique allant jusqu’à 300 Hz. Cette gamme est cruciale pour que leurs appels à basse fréquence puissent traverser les eaux opaques de l’océan et atteindre des profondeurs de 100 mètres.
Mais voici le problème : la gamme de fréquences des chants des baleines à fanons se superpose de manière significative au bruit généré par les navires de transport maritime, qui se situe également dans la gamme des 30-300 Hz. Cette fâcheuse coïncidence suggère que la cacophonie croissante de l’activité humaine en mer pourrait gravement perturber la capacité des baleines à communiquer, ce qui pourrait avoir un impact sur leurs comportements sociaux et reproductifs.
L’équilibre délicat du paysage sonore de l’océan est en train d’être bouleversé, ce qui représente une difficulté supplémentaire pour ces créatures qui naviguent dans les périls d’un océan débordant de bruit.
L’étude publiée dans Nature : Evolutionary novelties underlie sound production in baleen whales et présentée sur le site de l’Université du Danemark du Sud : Baleen whales evolved a unique larynx to communicate but cannot escape human noise.